after a cold coffee
Mon regard se perd dans le vide, une femme me frôle et le bruit des voitures emplit mes oreilles. Assise sur une dalle en béton, un souffle froid s'échappe de ma bouche entre ouverte. Tout s'agite autour de moi, tout le monde semble vivre comme hier et pourtant, mon cœur semble s'être stoppé. Un couple qui se trouve non loin de là agite une sorte de hochet au dessus d'un berceau. Leurs sourires éblouissent ma vision tels deux soleils s'opposant dans le ciel. Leur bonheur est tellement palpable qu'il me fait prendre conscience de l'absence du mien. Cela fait déjà deux mois que mon mari est mort dans un incendie sans cause établie, le temps me semble si long que j'en oublie parfois son visage. Quelques fois, son brin de voix s'invite dans mes rêves et me réveille, avec cet espoir qui me secoue, cet espoir de le retrouver. Je suis suivie depuis quelques temps par des professionnels qui tentent par bien des moyens de me redonner goût à la vie. « Château de carte » est l'expression que je choisirais si je devais me décrire en ce moment. A chaque fois que j'essaye de me relever, une rechute vient m'épauler pour me faire sombrer. Les autres paraissent plus forts que moi : certains se remettent d'un deuil très vite tandis ce que certains ne parviennent plus à sortir la tête de l'eau. Ce qui m'empêche de guérir vient sans doute du fait que l'incendie dans lequel est mort mon mari n'est pas un événement isolé. En fait, cela fait déjà quelques mois que des habitations brûlent avec parfois des personnes à l'intérieur, prisonnières de leur cocon familial. Plus le temps passe et plus ma mémoire se brouille. Je n'aimerai qu'une chose, que tout s'arrête, qu'une main me soit tendue pour me ramener vers la lumière. Cette lumière qui m'animait tant autrefois : le bonheur.