T'es beau, au volant de ton bolide bien trop puissant. le portable vissé contre l'oreille, cheveux au vent et Ray-Ban sur le nez. Tu fais fi des règles de sécurité, titillant l'accélérateur pour passer à l'orange. T'es beau, dans ton costume siglé, ton jean de créateur et tes chaussures en cuire italien. T'es complètement défoncé aussi ; tu te gares dans un crissement de pneu, sans trop préoccuper des coups de klaxons des automobilistes autour de toi. « Cosimo, mon chéri, tu conduits ? » cela fait bientôt cinq minutes que ta mère te tient la jambe à l'autre bout du fil, et ce n'est que maintenant qu'elle percute ? Tu lèves les yeux au ciel sous tes verres teintés, avant de décrocher ta ceinture d'un geste rapide pour t'extraire de la voiture. « Absolument pas, je vais faire un tours à la librairie, j'ai besoin d'un livre pour mes travaux de peinture, il faut que je revois certains détails d'une toile de Michel-Ange. A ce propos je passerais probablement à Milan prochainement, Angie sera là ? - Bellissimo ! » t'es entré dans une cafétéria sans cesser de perrorer et de t'agiter, t'as commandé un café latte en multipliant les signes muets pour te faire comprendre du serveur. « Merci ! » tu lui adresses un sourire ravageur avant de tourner les talons, esquivant une jeune-femme en pivotant sur toi même. « Excusez moi pardon ! » « Cosimo, mi stai ascoltando ? » tu n'as toujours pas raccroché et ta mère s'impatiente à l'autre bout du fil. Tu traverses la rue jusqu'à la petite librairie, tu pousses la porte en expliquant à ta mère que tu dois la laisser. T'avales une gorgée de café, avant de prendre à droite dans les rayonnages, un peu trop confiant. Tu t'attendais pas du tout à tomber nez à nez avec quelqu'un. T'ouvre de grands yeux au moment de la collision, t'es projetté en arrière et ton téléphonne t'échappe des doigts. Dans le même temps ton gobelet répand des gerbes de café sur vos deux corps. Tu manques de perdre l'équilibre, réussissant à te stabiliser en te raccrocher à elle. T'as complètement oublié le voyage à milan que tu préparais, la conversation au téléphonne, et même ta mère. T'as tout oublié, parce qu'en face de toi, la demoiselle est trempée de café, et que ça c'est à toi qu'elle le doit. « Oh mon dieu, je suis tellement navré, est-ce que tout va bien ? » tu te rapproches de l'inconnu de quelques pas, comme si tu t'apprêtais à aller le vérifier toi même, avant de te raviser. Tu reprends de plus belle, tout agité. « Je suis confus, oh là là, je ne vous ais pas brûlée au moins ? » t'exclames-tu en agitant les mains devant son t-shirt comme si ça pouvait l'aider à le faire sécher plus vite.

La matinée de cours terminée, Sofi quitte l’université pour rejoindre la librairie en bus. Elle a loupé son permis trois fois et, vexée par ces échecs à répétition, a décidé que les transports en commun ce n’était pas si mal. Les rues défilent sous ses yeux et elle finit par descendre au centre historique. Sa montre affiche midi trente, ce qui explique les gargouillements de son estomac. Elle fait une halte à la boulangerie pour s’acheter un sandwich, et échange quelques mots avec la boulangère avant de se rendre au travail. Sofi adore l’ambiance de la librairie, elle passe ses après-midi entourée de tout ce qu’elle aime : des livres et des gens. Ajoutez à cela des tasses de thé à volonté et c’est le paradis pour miss Sofi. Elle s’assoit derrière la caisse, vérifie les mails au cas où des commandes auraient, met un peu d’ordre sur le bureau. Sa supérieure lui a laissé un post-it sur lequel il est inscrit qu’elle prend sa pause déjeuner et que Sofi est priée de mettre les nouveaux ouvrages en rayon. Trois gros cartons trônent au milieu de l’arrière boutique, n’attendant que Sofi et ses petits bras pour être présentés aux clients. Elle emmène le premier avec elle et commence à ranger les livres sur les étagères. La couverture de l’un d’eux lui évoque un voyage et voilà que Sofi se perd dans ses pensées et ses rêves d’aventures. Un peu dans la lune, la jeune femme part en quête du deuxième carton et s’apprête à quitter l’allée quand, sans vraiment saisir ce qui lui arrive, elle se retrouve projetée contre l’étagère, complètement trempée de café. Elle pousse un petit cri de surprise, ses yeux balaient la pièce rapidement, elle a l’air d’une enfant apeurée. Il lui faut quelques secondes pour que tout se mette en place dans sa tête, et elle finit par remarquer le jeune homme qui agrippe son bras pour ne pas tomber à la renverse. “Euh… oui ça va je crois. C’est de ma faute, désolée.” Elle baisse les yeux sur ses vêtements tâchés de café et rougit un peu. “J’étais dans la lune, je ne vous ai même pas entendu rentrer. Tout va bien de mon côté, et vous?” Elle rit devant l’agitation du jeune homme qui fait de grands mouvements avec ses bras. “Excusez moi une minute.” Elle file chercher une serpillière pour nettoyer la flaque de café sur le sol et revient vers le jeune homme.