you needed a light so i set myself on fire. j'parle mieux aux étoiles que j'parle aux gens. c'est pour ça que j'préfère souvent parler les yeux levés vers le ciel. j'ai pas grand chose dans la tête la plupart du temps, trois grains de poussière, une mélodie et pas mal de fantômes pour combler l'espace. les gens me voient comme ils veulent me voir. heureuse, menteuse, malicieuse. la vérité, c'est que je sais pas trop moi-même ce que je veux devenir. je suis et je resterais l'enfant rafistolée. un tic-tac qui résonne au creux de la poitrine, des fils de fer autour de la cage thoracique, une bombe à retardement à la place du coeur. j'suis celle qu'est née trop tôt, presque deux mois d'avance. celle à la peau de cristal, qu'a refusé qu'on la touche jusqu'à l'âge de deux ans. j'suis celle qui, malgré la fragilité de ses jambes pas finies, a décidé de marcher bien avant tout le monde. depuis le début, j'étais prédestinée princesse guerrière, cherchant sans relâche à prouver au monde que je n'ai nul besoin de deux mois de croissance supplémentaires pour exister. j'ai la rage de vivre. très vite, j'commence à courir sur le bord des trottoirs et à faire des pas-chassés autour de la table basse. ça s'voit à mon corps. plus de cicatrices que de grains de beauté.

un jour, comme ça, sans prévenir, j'passe les portes de l'école. j'y suis toujours entourée. jamais seule, mais si solitaire. j'suis pas comme eux. eux, les autres. je cherche pas à l'être. mais j'ai la gueule et le sourire pour contenter leurs journées. ils n'en demandent pas plus. à la maison, par contre, j'ai tout l'amour et toute l'attention dont chacun puissent rêver, et pourtant c'est jamais suffisant à mes yeux. en rentrant de l'école, j'me cache dans le jardin ou sous les escaliers et à force les policiers deviennent des habitués. je commence à gueuler plus fort que tout le monde, à continuellement agir contre la tendance, à ne jamais faire ce qu'on attend de moi, comme un mauvais génie tout droit sorti de la lampe. mes parents, j'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont fiers de ça, mais n'empêche qu'ils sourient toujours en échangeant un regard qui en dit long face à mes conneries. évidemment, j'ai droit aux bons vieux sermons, mais quelque chose dans leur voix trahi une émotion sur laquelle je ne peux mettre de mot. comme si mon fort caractère, ma révolte constante, mon rire éternel, tout ça faisait parti d'un genre d'héritage familiale.

j'grandis un peu à l'envers. syndrome de benjamin button. enfant, je me prends trop au sérieux pour être une vraie gosse comme on en rêve. et adolescente, j'monte la tête par-dessus les nuages, là où vivent les anges et les princes à cheval blanc. c'est pas une détonation, pas même un déclic. ça vient comme ça, naturellement. ça se glisse quelque part entre les sucettes en forme de cœurs et les chewing-gum à la menthe. puis, d'ailleurs, c'est dans ses eaux-là que j'inaugure la chasse au trésor. à la clé : moi-même. j'me cherche doucement dans cet univers de fous, toutes voiles dehors et l'ancre levée. apprentie hippie à fleurs, pseudo rasta à dreads, fausse princesse à bagues. j'traverse les îles une à une sans jamais tomber sur le magot. le truc que j'comprends pas à l'époque, c'est le que le coffre je l'avais sous les yeux depuis le début : y'a gravé baptist sur le couvercle. baptist, il étincelle dans son coin. il brille dans la pénombre. baptist il est là depuis la nuit des temps, penché sur mon berceau comme une marraine la bonne fée. baptist c'est l’éternel ange. qu'importe le temps, qu'importe l'heure, qu'importe le jour ou la saison, baptist c'est plus fort que tout. baptist ça essouffle les tempête, assèche les tsunami. baptist ça calme les épidémies et éteint les incendies. pourtant, un soir, comme ça, ça nous éclate au visage : baptist c'est pas dans la génétique. au fond, peut-être bien que je le savais déjà, mais j'avais jamais eu envie de m'en souvenir. j'avais jamais compris l’intérêt. cousin. pas frère. vraiment ? au fond, ce que peut bien dire la science je m'en contrefous. moi j'y connais pas grand chose en chromosomes, mais si je suis sûre d'une chose c'est qu'il est tatoué sur mon âme. alors baptist c'est peut-être pas dans les veines, mais c'est dans le coeur. et finalement, des veines y'en a des milliers mais le coeur on en a qu'un. baptist c'est pareil. baptist y'en a qu'un. et si y'en avait pas, je serais même plus là. baptist ça défit la science et la logique. baptist ça remet en cause les lois primaires. j'lai toujours sût. mais aujourd'hui j'le raconte aux passants, j'l'écris sur les murs, j'le clame sur les toits. baptist c'est ma constellation.

et quand les étoiles s’éteignent, l'école me rend aveugle. l'école me détruit à petit feu avec son hypocrisie et ses faux-espoirs. jusqu'à ce que par une belle ironie du destin un peu tardive à mon gout, je fasse les plus nobles des rencontres. sous les barreaux. c'est la claque dont j'ai besoin. celle qui me laisse bouche-bée et rougissante sur le bitume. ceux que je rencontre cette nuit là, ils respirent la magie pure. c'est un bouffée d'air frais. un soleil nouveau. ils changent ma vie. rendent mon rire sincère, mes idées originales, ma joie de vivre contagieuse. ils font de moi quelqu'un. quelqu'un d'entier. quelqu'un de vrai. et parmi eux, y'a envy. envy c'est une coupe de paradis. envy elle resplendit de mille-feux, de jour comme de nuit. prunelle de mes yeux, soleil de mon existence, envy me devient essentielle en un clignement de paupière. elle rentre dans ma constellation comme une étoile filante, brusquement, sans prévenir, en laissant une traînée de paillettes et l'opportunité de faire un vœu. mon vœu c'est elle. sa seule présence m’apaise. douce chaleur. douce passion. un bracelet à chaque poignet, symbole de notre éternité. envy elle est ce genre de fille à propos de qui on écrit des romans, celle qui inspire des chansons. envy ce n'est pas juste une étincelle, c'est un feu de joie. elle est unique. elle est complexe. elle est indéfinissable. inclassable. insaisissable. elle peut paraître inadaptée, bizarre ou excentrique. parce qu'elle ne tient pas en place, et qu'elle a toujours des idées étranges, qu'elle ne recule devant rien, et qu'elle parle toujours avec tant d'ardeur. partout où elle passe, les gens se retournent sur son passage, sans même qu'elle ne fasse rien pour se mettre sous le feux des projecteurs. envy, elle n'a peur de rien si ce n'est de la peur elle-même. envy, c'est une héroïne à la john green. avec envy je suis moi-même. sans interdit, sans non-dit, sans tabou. envy je l'aime à en crever.

dans le lot, il y a aussi hunter. grand, beau, regard d'acier et paroles de diamant. toujours le mot pour rire, l’étreinte pour rassurer. pas sans défaut, mais parfait dans son imperfection. le rapprochement se fait naturellement, sans vraiment que je n'y oeuvre. comme spectatrice de ma propre vie, je me regarde l'étreindre et l'embrasser, la silhouette brune de ma meilleure amie dans le coin de l’œil. hunter je l'apprécie. envy je l'aime. mais tout ça, je le réalise trop tard. c'est une soirée un peu alcoolisée, de la musique sortie des tréfonds d'internet diffusée par les hauts-parleurs. éclats de rire et explosion de danse. le bonheur à l'état pur. tout le monde est là. tout ceux qui tiennent une place dans mon coeur. tout le monde nous regarde. envy est si belle. elle danse, déesse grecque sortie du plus beau des tableaux. je l'embrasse. je m'embrase. et tout part en vrille. rappelle de karma, vengeance divine. l'appartement prend feu. bousculade précipitée. la suie dans les poumons. sa main dans la mienne. hunter est là. hunter va veiller sur nous. je tiens envy dans le creux de la main. murmure au creux de son oreille. ça va aller, j'te l'promets. j'te l'jure. on va sortir. on va s'aimer. sur ces mots, la bibliothèque massive s’effondre dans un fracas extrait tout droit des enfers. sa mains glisse, son corps s'effondre. ses doigts se coincent dans la breloque argentée à mon poignet. elle l'arrache. elle la brise. si on crève on crève ensemble. je l'ai promis. éclat de voix qui couvre la cacophonie de mort l'espace d'une seconde. une seconde de paix. de silence complet. tout ralenti. elle plonge ses yeux dans les miens.  comme au premier jour. ce sourire que je connais si bien éclaire son visage. elle envoie des paroles à la volée que je n'parviens pas à attraper. dernier souffle. tout s'effondre.

pièce blanche. marques rouges. où est-elle ? nous sommes désolés de vous apprendre que...