TON HISTOIRE « Ezraël, bonjour. Merci d'être accepté cette entrevue.
Merci à vous de me recevoir.

Quand je vois votre CV, je ne peux m'empêcher d'être terriblement surpris. Dans le bon sens du terme bien sûr. Diplômé à 15 ans, vous entamez un « Bachelor of Science in Nursing ». Que vous obtenez quatre ans plus tard. C'est si rare de voir un si jeune diplômé. Votre famille doit être fière.
Tout à fait. »

C'est comme ça que mon entretien pour intégrer l'hôpital régional de Siloam Springs a commencé. Je ne m'attendais pas à avoir un entretien le lendemain de mon diplôme mais il faut croire que mes résultats aux tests finaux ont su attirer. Mais je ne suis pas là pour parler de mon entretien. Je voudrais vous parler de ma vie et du pourquoi je suis devenu infirmier pédiatrique à Siloam Springs.

« Mais avant de vous libérer, j'aimerai que l'on discute un peu. Histoire de vous connaître un peu plus.
Comme vous voulez. Que voulez-vous savoir ?

Commencez, par exemple, par le début : votre enfance.
Bien, si vous le désirez. Je suis né le 15 Août 1994. Il y a donc maintenant 21 ans. De l'union d'un père ingénieur en informatique et d'une mère institutrice, j'ai évolué dans une famille aimante et très protectrice. J'ai une sœur de six ans mon aînée, avec qui je m'entends très bien et qui ferait tout pour moi.

C'est ce qui s'est passé lorsque vous aviez cinq ans.
En effet. A ce moment-là, mes camarades de classe n'étaient pas tendres avec moi. A cet époque, j'étais très curieux et répondais assez facilement aux questions de la maîtresse. Évidemment, les autres enfants ne le voyaient pas du bon œil et j'étais donc devenu le souffre-douleur de la classe. Pendant des années, ma sœur a donc essayé tant bien que mal de m'aider.

J'imagine que cela est arrivé à vos parents.
Oui. Depuis le début, j'avais demandé à ma sœur de ne rien dire, de peur de me faire gronder. Elle a tenu jusqu'au bout. Mais après des mois, des années devrais-je dire, de souffrances en silence, j'ai parlé à mon institutrice. Qui a tout de suite convoqué mes parents.

Combien de temps cela a duré ?
Au total, cinq longues années. Au final, réunion en fanfare avec le directeur et une psychologue scolaire. Il s'est avéré, après quelques tests, que j'avais un QI supérieur à la normale.

Qui est de ?
143. Mais avec cette intelligence au-dessus de mes pairs, se combinent un repli sur soi-même, une hyper-sensibilité et une sensation que tout ce qu'on apprend n'est pas assez pour nous.

Que s'est-il passé à ce moment-là ?
Je suis passé à la classe supérieure. Je pensais que cela s'arrangerait avec le temps mais le mal-être ambiant et le manque de confiance en moi m'a plongé dans une dépression. Mes parents m'ont retiré du cursus scolaire.

Un choix assez radical, dites-moi.
Pour vous peut-être. Pour eux, ce n'était qu'une question de bon sens et de survie. A cause de l'école, je ne vivais plus. Alors, ils ont pris cette décision et je ne les remercierais jamais assez. Grâce à eux, j'ai pu me reconstruire et reprendre goût à la vie et à l'apprentissage. Par ailleurs, j'ai suivi des cours par correspondance pendant trois ans, étudiant quatre années de cours. J'ai même pu réintégrer le circuit scolaire pour ma dernière année d'étude secondaire. J'y ai fait quelques rencontres, même si je restais en retrait.

Pourquoi ?
Pour ne pas revivre ce que j'avais vécu. Cependant, cette année-là a été la meilleure de toute ma vie. Je pense qu'à partir cette période-là, j'ai pris la vie du bon côté. Cette différence n'est pas un mal mais un don de la vie.

C'est pour ça que vous avez fait des études d'infirmier. Pour venir en aide aux autres ?
Tout à fait.

Diplôme que vous obtenez avec les honneurs. Je vous tire mon chapeau. 19 ans et major de promotion dans de telles études, c'est extraordinaire.
Merci monsieur. »

Cela fait maintenant deux ans que je travaille là-bas. Quelques mois aux urgences avant que la révélation n'arrive: la pédiatrie. Je m'y plais énormément et m'entend très bien avec mes collègues. Cette dépression m'a permis d'ouvrir les yeux et ainsi comprendre mes besoins.