≈ prénoms, noms :
otilia, celui que ta mère t'as donné quelques secondes après t'avoir mise au monde.
paju, celui qu'elle avait initialement donné à ta soeur jumelle.
hellenius, nom de famille de ton père.
≈ surnoms :
lia pour tes amis anglophones, mais ta famille t'as toujours appelée otilia, ni plus ni moins.
≈ âge :
vingt-cinq ans. pour le grand monde, c'est un jeune âge, mais elle a déjà l'impression que sa vie s'éternise.
≈ date, lieu de naissance, origines :
dix-huit août mille-neuf-cent quatre-vingt-dix à
siloam springs. ses parents étaient deux étudiants
finlandais quand ils sont venus s'installer en arkansas, quelques temps avant la naissance de leurs filles.
≈ emploi/études : elle prépare un
doctorat en liguinstique anglophone et donne des cours d'anglais à des étrangers sur Internet
≈ orientations sexuelle :
hétérosexuelle, même si ça n'a pas toujours été le cas.
≈ statut matrimonial : la
veuve, c'est comme ça que les membres de sa famille l'appellent, eux qui ne veulent plus entendre parler d'elle ou même prononcer son nom.
≈ statut financier :
moyen, elle vit de son salaire misérable, de sa bourse universitaire et de l'héritage que son mari lui a laissé.
≈ avatar : natalie dormer
≈ crédit(s) : eric ray davidson (photos).
≈ groupe: lungo
≈ souhaites tu être parrainé ? : non merci
un truc à savoir.
elle est née un jour d’août ici, à siloam springs. ses parents se connaissaient depuis trop peu de temps pour que leur union puisse être appréciée de leurs familles respectives, mais ils s’aimaient bien trop pour pouvoir renoncer l’un à l’autre. alors ils sont partis, arrivés ici, après y avoir déjà passé quelques temps dans le cadre d’un jour universitaire. dix-neuf ans, qu’ils avaient, et toute la vie devant eux. mais elle était là, leur vie, alors qu’elle donnait naissance à ses jumelles. un accident, évidemment, mais elles étaient déjà couvertes d’amour, avant même de voir le jour.
paju, l’aînée, est née treize minutes avant sa sœur, et elle est décédée treize secondes avant qu’otilia pousse ses premiers cris. jamais la survivante n’a vécu en même temps que sa jumelle. jamais les deux sœurs n’ont respiré en même temps, jamais elles n’auront partagé la vie sur cette terre qui était celle de paju, et qui demeure celle d’otilia. et depuis toujours, elle ressent ce vide près d’elle. un manque permanant. c’est presque le même sentiment que l’on a quand on vient de quitter chez soi et qu’on se demande si l’on n’a pas oublié quelque chose derrière nous, sans arriver à savoir quoi. mais elle sait, otilia, ce qui lui manque. une partie d’elle-même.
jumeau un jour, jumeau toujours. trop pensent que jumeau et double sont synonymes – alors qu’ils sont antonyme. être jumeau, c’est être moitié. comment vivre sans une moitié de soi ?
graham, c’est le premier ami qu’elle s’est fait. quel âge avaient-ils, lia ne s’en souvient plus. il a réveillé quelque chose que jusqu’ici, elle ne connaissait pas : un certain goût pour l’aventure, le danger, le présent et non le passé. ensemble, ils s’appelaient
les deux mousquetaires, et rare sont les coups des fameux quatre cent qu’ils n’ont pas réalisés ensemble. tout et n’importe quoi était sujet à l’amusement, car le très british graham campbell possédait l’imagination la plus débordante que vous puissiez concevoir. il la transmettait à sa finlandaise de meilleure amie sans même s’en rendre compte, la tirait du sommeil dans lequel elle s’était plongée sans le vouloir, et dans lequel elle ne semblait pas vouloir sortir. en vérité, même si c’est bien sa mère qui l’a mise au monde, c’est graham qui, en un sens, lui a donné la vie.
mrs harrison, une grande dame aux cheveux noirs de jais, toujours bien serrés dans un chignon, est celle qu’elle était forcée d’aller voir quand elle était plus jeune. ses parents voyaient que quelque chose n’allait pas chez leur petite fille, et qu’elle ne leur en parlerait pas à eux. elle se renfermait sur elle-même quand graham n’était pas avec elle. Alors ils l’avaient envoyée voir cette sorcière, dans son bureau tout blanc, qui au fil des années étaient devenue quelqu’un d’extrêmement pour la jeune fille en laquelle otilia s’était transformée. Les jeudis, à dix-sept heures, elle s’asseyait en face de la psychologue, la seule qui ne l’avait vraiment écoutée. ça lui faisait du bien, de parler, de ce vide et cette impuissance dont elle se sentait victime. Elle ne savait pas comment être, comment faire, comme agir, comment parler, puisqu’il lui manquait une pièce, comme à une machine obsolète. Même si la pièce n’a jamais été et ne sera jamais remplacée, mrs harrison a réussi à trouver un semblant d’alternative qui, pour le moment, semble lui permettre de tenir. elle lui a conseillé de s’entourer. même si les gens, ça n’a jamais été son truc, à lia.
chris, c’est sa meilleure amie. une fille comme elle, qui n’avait pas été épargnée par la vie non plus : elle, c’était ses parents qu’elle n’avait jamais connus. ils étaient morts dans une fusillade, quand elle avait quelque chose comme trois ou quatre ans. elle aussi, c’était une survivante – et c’était le destin qui l’avait sauvée : elle était censée venir avec eux au cinéma, mais elle était tombée malade pendant la nuit, et elle avait dû rester chez elle avec sa tante. son heure n’était pas arrivée. chris, elle a fait comprendre à lia que la vie, ça ne tenait à rien. chaque chose que l’on vit, elle se produit justement en continuité de ce que l’on a vécu avant, et provoque ce que l’on vivra par la suite ; chacun de nos choix nous fait prendre une direction ou une autre. alors toutes les deux, elles essaient de toujours prendre les bonnes décisions, d’en évaluer les conséquences, quitte à aller jusqu’à faire des schémas. avec chris, pas de danger, pas d’imprévu – mais ça ne voulait pas dire pas de spontanéité.
levi est venu au monde quinze ans après otilia. son petit frère, elle l’aime plus qu’elle n’a jamais aimé qui que ce soit. elle ne peut pas s’en passer, c’est impossible. depuis sa naissance elle le regarde, elle l’empêche de tomber, aussi bien littéralement que figurativement. aujourd’hui âgé de dix ans, il lui arrive de passer des week-ends chez sa grande sœur, de la voir l’attendre à la sortie de l’école quelques fois... il lui est précieux, certainement la personne qui compte le plus à ses yeux.
lola, c’est son premier amour. Le vrai amour, pas celui que l’on croit éprouver quand on a quinze ans et que notre ventre à la chance de se retourner à la vue de quelqu’un qui nous est spécial. non, l’amour qui fait du bien et du mal à la fois, celui qui nous obsède, celui que donne cette soif de l’autre que l’on pense ne pouvoir ressentir qu’une fois. c’était pas prévu. du tout. à la base, elle venait juste passer dix jours chez lia, sa correspondante américaine, et l’accueillir pendant le même temps dans sa modeste maison dans un village près de séville. dix-sept ans, c’était l’âge qu’elles avaient toutes les deux. aucune d’elles n’arrive à pleinement comprendre ce qu’il s’est passé, comment elles en sont arrivées là. elles s’aimaient sans pouvoir expliquer pourquoi, et elles ont cru que les kilomètres ne signifieraient rien. jusqu’au jour où elle n’a plus eu de nouvelles. tout d’un coup, comme ça, les messages ont cessé. Aucune trace d’elle nulle part. quelques mois après, les parents de lola ont appelé ceux de lia, alors qu’ils s’étaient soudain rappelé de la correspondante de leur fille. elle était morte. elle aussi. elle est allée jusqu’en espagne se recueillir sur sa tombe. elle a eu mal, très mal. encore aujourd’hui.
janeka, c’est sa grand-mère. une étrange femme qui, inexplicablement, sait tout sur tout le monde. elle est la seule à avoir deviné le lien qui l’unissait vraiment à sa correspondante espagnole. famille catholique oblige, elle a fait en sorte que l’estime que pouvait avoir les hellenius de la petite lia. ils l’avaient toujours plainte, et aujourd’hui, ils la dénigrent. pècheresse, c’est comme ça qu’on l’appelait. Plus jamais sa famille n’a prononcé le nom d’otilia , si ce n’est ses parents, qui eux, l’aiment coûte que coûte.
angus, son deuxième amour, celui qui ne la quittera jamais. le coup de foudre, jusqu’ici, elle n’y croyait pas. elle n’y a cru qu’à l’instant où il lui a passé la bague au doigt, quatre ans après leur rencontre. Elle a levé les yeux vers les siens et elle s’est rendue compte qu’elle l’aimait depuis le début – alors que jusqu’ici, elle avait eu l’impression d’un amour progressif, grandissant. mais il l’avait frappée, il l’avait trouvée, et il ne la quitterait plus jamais. ils étaient de ceux que l’on jalouse, qui se tiennent la main par automatisme, et qui, sans ces petites marques d’affection, auraient l’air de meilleurs amis. Leur vie était rythmée par des courses lors des brossages de dents, de batailles de chatouilles, de sarcasme et de foutage de gueule permanents. c’était la routine sans vraiment l’être, la routine qu’on aimait, qui réservait quand même des surprises, paradoxalement. un bébé, c’était prévu. une maison, une nouvelle voiture. et puis, les incendies. lui et les autres pompiers qui n’ont fait que leur travail. son âme fait partie de celles qui sont parties dans les flammes. lia, elle ne s’en remet que très mal. et cette fois, elle sait que jamais la douleur ne s’apaisera.
simo, c’est son chat. elle l’a adopté après la mort d’angus, lui a donné le prénom qu’il aurait voulu donner à leur fils, le moment venu. noir de jais, reflet de la malédiction dont elle croit être victime. il la regarde rentrer le soir, après une après-midi passé à la bibliothèque, qu’elle a occupé à avancer sa thèse en linguistique. Il la regarde donner ses cours d’anglais à distance, assise devant son ordinateur, mais aussi se perdre dans les photos, dans la fumée qui s’échappe de ses cigarettes – qu’elle enchaîne, qui ruine ses poumons autant que son léger porte-monnaie. il la regarde alors qu’elle survit plus qu’elle ne survit. simo, il ne peut rien faire d’autres que d’accepter ses caresses et ses étreintes, que de s’allonger sur ses genoux où à côté d’elle, le soir, quand elle va se coucher. elle, elle espère qu’il ne la laissera pas, lui aussi.