Histoire S'il y a bien une chose que Vicky ne nierait jamais c'est qu'enfant, elle n'était déjà pas comme les autres. Oh bien sûr ce n'est pas à cause de ses nombreux kilos en trop, ou parce qu'elle était à ce moment même au centre d'une ronde d'enfants chantant en la montrant du doigt
"Vicky la grosse truie, tu n'passeras pas la nuit", ou bien parce qu'elle n'avait aucun ami, non. Ce qui la faisait se sentir différente, c'était que de n'avoir aucun camarade avec qui jouer, ou même parler, ne la dérangeait pas le moins du monde, bien au contraire. Le plus étrange, c'est que cette effervescence qui s'agitait autour d'elle ne lui faisait pas peur. A la différence de nombreux bambins qui se seraient trouvés à sa place, cette situation lui plaisait. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, la haine que portaient à son égard les enfants qui l'entouraient lui procurait une grande satisfaction. Pourquoi ? Elle ne saurait l'expliquer. Cela faisait maintenant 12 ans que Vicky se trouvait dans cet orphelinat, malheureusement pour elle, elle n'avait jamais été adoptée et ne le sera jamais. Qui voudrait d'une enfant asociale, aussi grosse que la truie de la ferme du village ? Personne. Personne, mise à part ce jeune homme qui venait de pousser une fillette d'un violent coup d'épaule pour se frayer un passage. Les fesses sur le sol trempé, elle n'avait rien dit et couru à quatre pattes se mettre à l'abri. Cet adolescent qui dépassait tout le monde de deux bonnes têtes se prénommait Shane, réputé pour son côté impulsif et violent lorsque qu'on osait l'emmerder. Mise à part dans ses moments là, c'était un garçon solitaire et mystérieux qui ne souriait jamais, mais qui n'était pas du genre à créer des conflits. La plupart du temps, on le laissait tranquille, on baissait même le regard en pressant le pas lorsqu'on le croisait. Il faut dire que son visage carré et sombre inspirait la méfiance. Grand et bien bâti pour son age, il avait même le respect des deux plus vieux de l'orphelinat. Il n'avait pas été adopté et ne le sera jamais. Un simple
"Dégagez" et tout le petit monde se dissipa à la vitesse de l'éclair. Tous, sauf notre grosse amie. Il s'approcha d'elle
"Viens là" et la tira par le poignet.
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Depuis ce fameux jour, ils ne s'étaient plus séparés. La présence de Shane était indifférente à Vicky. Pour la première fois, même si ça ne l'enchantait pas, la présence de quelqu'un de la dérangeait pas non plus. Malgré tout le temps passé ensemble, ils n'étaient pas amis. C'était comme si une sorte d'accord avait eu lieu entre les deux adolescents. Comme si deux survivants qui se détestaient cordialement c'étaient unis contre le reste du monde. Dès la première fois que Shane avait vu Vicky, il avait su qu'elle était facilement influençable. Bien que timide et faible, il savait qu'avec un peu
beaucoup de manipulation, elle serait la candidate parfaite pour en faire sa propre création, et en y regardant de plus près, même si elle était loin d'être l'incarnation de la perfection, derrière ce tas de gras se cachait ce qui deviendra une belle jeune femme. Il le savait.
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Assise sur un pot de peinture à l'intérieur d'un bâtiment désaffecté, elle regarde le sac de frappe se balancer. Crachant ses poumons, elle hésite à étrangler cet homme avec la corde qui git à ses pieds.
"Allez bouge toi !" Épuisée, la colère monte.
"Ça fait déjà trois heures qu'on s'entraîne !" Ils se connaissaient maintenant depuis un peu plus d'un mois. Au début, elle n'osait pas lui dire d'aller se faire voir et se contentait de tomber dans les pommes pour lui montrer qu'elle n'en pouvait plus. Mais le malin plaisir qu'il prenait à la faire sortir de ses gonds fonctionnait désormais plutôt bien et elle n'hésitait plus. A ses risques et périls puisqu'à chaque fois, il lui faisait regretter d'une manière ou d'une autre. Il s'approcha, empoigna ses cheveux et la poussa de toutes ses forces, elle manqua de tomber.
"Jm'en balance, continue." Elle avait déjà perdue cinq kilos.
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Des mois ont passés, puis des années. Son physique d'enfant obèse a laissé place à une femme au corps svelte et musclé. Mais il n'y a pas que ça, sa mentalité n'est plus la même. Bien qu'elle ne s'occupait guère des gens qui l'entouraient avant cela, elle ne ressent maintenant plus aucune compassion, plus aucune pitié. Son visage ne connait plus que les rires et les sourires pour le sarcasme, pour jouir du malheur des autres. Il a réussi à la faire changer, comme il se l'était promit. Il n'a pas été tendre avec elle, mais ses efforts ont payés. Ils ont grandi, se détestent autant qu'ils s'aiment, se battent pour la seconde qui suit faire l'amour sauvagement, leur relation est intense, malsaine. L'un est le poison de l'autre. Trop fières et arrogants, ils n'ont jamais montrés le moindre signe d'amour envers l'autre, réussissant à se convaincre eux même qu'ils ne s'aimaient pas. Enchaînent conneries sur conneries, ils décident un jour de dévaliser une boutique de bijoux. Le voilà donc une nuit en train de remplir un sac de collier et autres trésors, pendant qu'elle monte la garde. Ce petit manège dur deux mois, passant de bijouteries à petites épiceries. Ils ne se font pas prendre, jusqu'à ce jour où elle le voit se faire embarquer. Il ne dit rien, quoi qu'il en dise, quoi qu'il en pense, elle est sa protégée, elle compte pour lui, son excuse ? La loyauté. Les autorités ne se doutent pas un instant qu'il était accompagné. Le voilà derrière les barreaux, pour une durée de six ans. Elle lui rend visite une fois, puis deux, puis trois. Sur un coup de tête, elle ne vient plus le voir et prend l'argent du butin qu'ils leur restaient après la saisie. Elle prend la route, sans un regard en arrière, sans un regret. Ne la voyant plus revenir au bout de deux semaines, il pense au pire
"Que lui était-il arrivée ?" Puis il ouvre les yeux, il comprend. Cette salope est partie. Voilà que celle qu'il avait créé c'était retournée contre lui. De ville en ville, de village en village, elle cherche sa place, un endroit où elle pourrait se sentir bien. Elle se rend à l'évidence, elle ne trouverait jamais, elle décide donc de choisir une petite ville, et de ne plus en partir. Une carte, elle ferme les yeux et pointe du doigt au hasard : Siloam Spring.