Once Upon a Time

Mon histoire est tout ce qu'il y a de plus ordinaire, je suis né ici, à Siloam Springs, il y a quarante ans. Je suis le deuxième enfant de Jack et Marion Sanderson. Ma mère est française, si bien qu'à la maison nous parlions anglais et français, voilà pourquoi je maîtrise la langue de Molière, sans compter que pendant les vacances nous allions souvent rendre visite à mes grands-parents maternels qui habitaient Paris. J'ai un frère qui a deux ans de plus que moi. Il a été adopté, mais jamais mes parents n'ont fait de différence entre lui et moi. Oui ma famille est vraiment banale, des disputes de temps en temps, des réconciliations, des rires. Lorsque je leur ai annoncé mon homosexualité, ils n'ont pas mal réagi, ce fut une chance pour moi. Evidemment, mon frère ne pu s'empêcher de faire un trait d'humour, il déclara que le fait que j'affichais des posters d'hommes torse nu dans ma chambre aurait dû leur mettre la puce à l'oreille. Naturellement, ce n'était pas le cas, ma chambre n'était décorée que des photos de mes amis et de ma famille.

Ainsi donc, vous ne m'en voudrez pas si je passe rapidement sur mon passé. Sachez juste que j'étais un gamin affable, aimant le contact avec les autres, je me faisais des amis assez rapidement et j'ai eu ma première expérience amoureuse à quinze ans. Il s'appelait Thibault.

Depuis l'âge de quinze ans justement, j'ai souhaité devenir libraire. Pourquoi ? J'adore les livres et le contact avec les gens. Ce métier était donc parfait. A vingt-trois ans, après un Master en Lettres, je fus embauché par un libraire de la ville, il voulait que je me "fasse la main" avant de pouvoir gérer ma propre librairie et quelque part, il n'avait pas tort. J'ai travaillé chez lui pendant dix ans. Au cours de cette décennie, je fis la connaissance de celui qui allait être mon compagnon : David. David était un mec vraiment adorable quand on le connaissait bien, lorsqu'on le  croisait pour la première fois, il n'était pas très avenant, il paraissait froid, pince-sans-rire, mais c'était un genre qu'il se donnait, lorsqu'il vous faisait confiance, vous découvriez un homme tendre, sincère, doux. Je l'ai aimé, sincèrement. J'ai connu David lorsque j'avais vingt-sept ans. Nous nous sommes rapidement mis en couple, puis nous avons habité ensemble un an après notre mise en couple. J'avais vingt-neuf ans lorsque cela se passa. L'année suivante, j'ouvrais ma propre librairie. Elle n'était pas bien grande, mais cela me suffisait, j'ai toujours aimé les ambiances confinées, les coins cosy.

Pendant dix ans, ma vie se déroula comme un rêve, j'étais comblé tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. Il y a quelques mois, mon bonheur vola en éclat. David et moi rentrions d'une visite chez mes parents. Ils avaient déménagé de Siloam Spring peu de temps auparavant et habitaient à présent dans la ville voisine. Mon frère était resté avec eux le jour là, il dormait parfois chez eux lorsqu'il s'était disputé avec la personne qui partageait sa vie. Donc David et moi étions sur la route du retour. Nous étions fatigués, pressé de rentrer, David roulait un peu trop vite. Je le lui disait, mais il ne m'écoutait pas, ou plutôt il plaisantait, s'amusant de me voir avoir peur, mais, alors qu'il avait lâché le volant pour me montrer à quel point il était "doué", un camion vint brutalement à notre "rencontre". La voiture fit quelques tonneaux et termina dans un fossé. Je repris connaissance, mais David pas encore. Je tentais de m'extraire de la voiture et lorsque ce fut fait, je sorti mon compagnon, le tirant loin du véhicule qui menaçait de s'embraser. J'eus le temps de nous mettre à l'abri et la voiture explosa. Quand j'y pense aujourd'hui, je me demande toujours comment j'ai réussi à faire tout ça. Quoi qu'il en soit, David finit par ouvrir les yeux. Je le tenais contre moi, je lui parlais, je lui disais de ne pas me laisser. Il plongea son regard tendre dans le mien et me demanda de lui faire une promesse. Il voulait que je lui promette de continuer à vivre, je devais le faire, pour lui. Il ajouta que c'était inutile que je perde mon temps à le pleurer. Je ne voulais pas lui promettre ça, je ne m'en sentais pas capable, mais il insistait, jusqu'à ce que je finisse par céder. A peine lui avais-je dit "Je te le promets", qu'il rendit son dernier soupir, dans mes bras.

J'ai passé un mois entier à tenter de me faire à l'idée que je ne le reverrai plus et puis le temps a commencé à faire son office et je n'oubliai pas la promesse que je lui avais faite. J'ai donc recommencé à vivre, aidé en cela de mes parents, de mon frère et de mes amis. A présent j'arrive à penser à David en souriant et c'est un grand progrès, croyez-moi. Aujourd'hui, je vis ma vie le plus simplement du monde, je ne serai pas contre une nouvelle histoire sentimentale, mais jamais je n'oublierai David, il aura toujours une place particulière dans mon coeur.